L’élan de la philanthropie vers le transfert du pouvoir aux communautés locales : Questions et réponses avec Mallika Dutt

Women community leaders meet with local religious leaders to discuss issues relating to women's rights, reproductive health and family planning. (Jonathan Torgovnik/Getty Images/Images of Empowerment)

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Mallika Dutt a récemment rejoint la fondation en tant que directrice du programme d’Equité des Genres et Gouvernance. Nous avons parlé avec Mallika de sa trajectoire de vie, de l’importance d’être à l’écoute des personnes les plus touchées par les systèmes que nous essayons de changer, du rôle de la philanthropie dans le cadre des efforts actuels de « transfert du pouvoir » et de « localisation » dans le développement international, et de son expérience de la fondation en tant que communauté de pratique.

Vous défendez depuis longtemps la cause de l’équité des genres. Qu’est-ce qui vous a incitée à vous engager dans cette voie ?

Je me suis attachée à faire progresser l’équité pour les femmes et les filles, et pour nous tous, depuis mon enfance. J’ai grandi en Inde avec un frère et deux cousins, et j’ai souvent été confrontée aux distinctions entre les garçons et les filles. Les limites imposées à mes actions m’irritaient tellement que je suis devenue un garçon manqué et rebelle pour avoir la liberté que j’estimais mériter.

Il était évident, dès le départ, que l’entreprise familiale, la maison dans laquelle je grandissais et tous les actifs financiers allaient revenir aux garçons. Un refrain courant était « quand tu seras mariée et que tu auras ta propre maison, alors tu pourras faire » – tout ce que je voulais faire. Ce discours, associé à la discrimination et au traitement des femmes, ainsi qu’aux mariages malheureux, m’a convaincue de suivre une voie différente.

À 18 ans, j’ai eu l’occasion de rechercher des bourses pour étudier à l’étranger. Pour vivre avec la liberté et l’autonomie que je souhaitais, je savais que je devais quitter la maison et me forger une nouvelle vie.

J’ai rejoint une merveilleuse université appelée Mount Holyoke, la plus ancienne université féminine des États-Unis. Mount Holyoke m’a permis de comprendre la colère, l’irritation et la frustration que j’éprouvais en tant que jeune fille. Cette université m’a permis de comprendre les structures systémiques discriminatoires à l’égard des femmes. Elle a mis des mots sur mes expériences et m’a permis de rencontrer une communauté de femmes extraordinaires qui poursuivaient leurs rêves et élaboraient leur propre vision de ce qu’elles voulaient être dans le monde. J’y ai vécu une période extraordinaire de ma vie.

Mon premier stage universitaire s’est déroulé au sein d’une organisation appelée « International Women’s Tribune Centre », née des conférences mondiales des Nations Unies sur les femmes. Cette expérience a été déterminante, car elle m’a montré des moyens pratiques d’agir et de faire partie du mouvement mondial des femmes, presque immédiatement.

C’est ce qui a déterminé ma trajectoire pour devenir une défenseuse de l’égalité des genres, un défenseuse des droits humains, et pour comprendre les nombreuses intersections auxquelles nous devons prêter attention pour parvenir à une véritable égalité pour tous.

En pensant à cette trajectoire, quels sont les principaux enseignements que vous souhaitez apporter à votre rôle de directrice du programme d’Equité des Genres et Gouvernance chez Hewlett ?

L’une de mes valeurs fondamentales est l’importance d’écouter et d’être dirigé par les personnes les plus touchées par les défis et les situations que nous essayons de résoudre. Qu’il s’agisse de philanthropie, de justice sociale, de droit, d’économie ou de politique, il est absolument essentiel de s’appuyer sur l’expérience et la sagesse des personnes les plus directement touchées par les systèmes que nous essayons de changer.

Nous créons et prescrivons souvent des lois, des politiques et des réglementations sans que les communautés les plus touchées puissent s’exprimer et en prendre l’initiative. Par conséquent, les politiques ne sont pas mises en œuvre, ne produisent pas les résultats escomptés ou n’assurent pas réellement le bien-être des personnes dont nous nous soucions. La proximité et l’écoute de la voix des communautés est un principe non négociable. Nous devons commencer par là.

Un autre apprentissage clé et non négociable est l’importance d’une analyse intersectionnelle du pouvoir. Cela nous oblige à localiser et à comprendre la multiplicité des questions et des identités en jeu qui affectent l’expérience vécue d’une personne dans le monde. Même si le genre est le prisme à travers lequel je m’oriente, il est très important pour moi de me demander quelles sont les autres identités en jeu. De quelle manière la question raciale affecte-t-elle la situation ? Comment les classes sociales affectent -elles la situation actuelle ? Comment la géographie, l’ethnicité, l’orientation sexuelle ou les capacités des personnes affectent-elles la situation ? Quelle est l’histoire ? Quel est le contexte ? Quel est l’ensemble des questions en jeu ? La dynamique du pouvoir et son impact sur les individus, les communautés et des pays entiers doivent être pris en compte lorsque l’on tente d’élaborer une stratégie ou un plan, ou de prendre des décisions en matière d’octroi de subventions.

Le recours à une analyse intersectionnelle du pouvoir est fondamental dans mon travail. Depuis dix ans, je co-enseigne un cours intensif sur le leadership des femmes à l’Institut Omega, où je me concentre sur le pouvoir, les privilèges et l’intersectionnalité. Sans une analyse claire du pouvoir, nous pouvons avoir tendance à reproduire les mêmes schémas que ceux que nous essayons de changer.

Quel est le rôle de la philanthropie, et plus particulièrement de la Fondation Hewlett, dans l’analyse du pouvoir et dans les efforts actuellement entrepris sur le « trasfert du pouvoir » et la « localisation » dans le développement international ?

Bien que nous parlions de ces questions depuis des dizaines d’années, il aura fallu la combinaison de la pandémie de COVID, notre témoignage collectif sur la mort de George Floyd, ainsi que le mouvement Black Lives Matter pour forcer la philanthropie à changer sa façon d’opérer aux États-Unis.

Cela fait des décennies que nous demandons des changements et que nous nous heurtons à beaucoup de résistance. Je tiens à rendre hommage à ce moment historique qui a créé un changement et une dynamique aussi importants. Les gens comprennent enfin la nécessité de mettre les ressources entre les mains des personnes les plus proches des problèmes auxquels nous nous attelons.

Nous avons fini par comprendre que la véritable transformation du pouvoir exige une répartition complètement différente des ressources.

La localisation signifie que les ressources sont entre les mains des personnes les plus proches des problèmes. Elle nous encourage à suivre leur leadership dans l’identification des besoins des communautés et le changement des systèmes. C’est à partir de l’expérience vécue et de la sagesse des communautés que nous devons créer des normes au niveau mondial et des standards internationaux. Notre meilleure chance de changer les systèmes est conditionnée à un processus dynamique d’engagement, d’écoute, de partage, de sagesse, mais en restant toujours fidèle aux valeurs de la voix, de l’action et du leadership de ceux qui sont les plus proches des défis que nous nous efforçons de relever.

Hewlett est une bonne surprise depuis mon arrivée en tant que directrice de programme. L’engagement à pratiquer et à rendre opérationnelle l’équité au sein de la fondation ainsi que la façon dont elle octroie des subventions ont été une révélation. Je suis ravie de faire partie d’une communauté de pratique et d’apprentissage dont l’ambition est de façonner un monde où l’équité et le bien-être sont au cœur de la culture et de la mission de l’institution.

Qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus dans votre nouveau rôle ?

Je suis ravie de rejoindre une communauté de pratique où l’ensemble de l’organisation s’engage à mettre en œuvre les valeurs, les principes et les processus nécessaires pour s’aligner sur la diversité, l’inclusion, l’équité et la justice. Je n’ai pas besoin de plaider pour l’une ou l’autre de ces choses ; elles font déjà partie intégrante de la culture même de Hewlett. C’est incroyablement passionnant !

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